Comprendre l’histoire de l’industrie agroalimentaire pour mieux comprendre son actualité

L’agroalimentaire est un terme large, qui désigne pourtant un secteur capital en France. En 2016, les entreprises agroalimentaires représentaient ainsi le premier secteur industriel français, et se plaçaient en sixième position mondiale en termes d’exportation. Des chiffres impressionnants qui illustrent bien l’importance de ce secteur en évolution permanente. Moteur d’innovations, pourvoyeur de métier et d’emploi... L’industrie agroalimentaire est primordiale en France, mais reste pourtant un milieu méconnu pour les Français, qui ont souvent du mal à percevoir les contours et les frontières de ce milieu. Pour bien comprendre ce secteur, ses actualités et la place prégnante qu’il occupe dans nos vies, il est donc important de connaître son histoire, qui se déroule parallèlement à la nôtre.

Source : http://agriculture.gouv.fr/infographie-agroalimentaire-1er-secteur-industriel-en-france


Définition de l’agroalimentaire

Le secteur agroalimentaire est extrêmement vaste, et regroupe à lui seul un grand nombre d’activités. Il vient regrouper deux secteurs d’activité dans un même domaine complémentaire : les secteurs primaires et secondaires. Pour mieux comprendre cette industrie, il est donc nécessaire de connaître ces deux grands pôles qui nous nourrissent chaque jour et font la fierté de notre pays à l'étranger, via les importations. Ces secteurs sont définis dans la « loi des trois secteurs », telle que définie dans la comptabilité nationale.


Le secteur primaire

Le secteur primaire regroupe l’ensemble des activités qui produisent des matières premières non transformées. Celui-ci regroupe l’ensemble des activités qui permettent de récupérer des matières premières qui pourront être vendues comme telle ou bien transformée. On regroupe au sein de celle-ci de nombreuses activités : sylviculture (exploitation des forêts), pêche, activité minière et bien sûr agriculture. Les agriculteurs, en tant que producteurs de céréales, fruits, légumes, viandes... font donc pleinement partie du primaire.

Le secteur secondaire

Le secteur secondaire regroupe l’ensemble des activités qui permettent la transformation plus ou moins avancée de matières premières pour créer des biens ou des denrées qui seront par la suite vendus sur le marché. On y regroupe donc un vaste ensemble d’industries, qui récupèrent l’ensemble des ressources produites par le secteur primaire, avant de les transformer et manufacturer pour créer un second produit.

L’agroalimentaire se situe donc à cheval entre ces deux secteurs, puisqu’elle regroupe l’agriculture, qui élève des produits vivants et cultive plantes et fruits, et l’industrie agroalimentaire qui récupère ces produits pour les transformer en produits destinés à la consommation. Le secteur est lui même très vaste et regroupe de grandes familles d’activités, elles-mêmes divisées en domaines. Ce secteur regroupe également différents modes de production : de l’artisanat comme la boulangerie et la pâtisserie à l’automatisation comme la sucrerie ou la meunerie. Il concentre également différentes échelles : on peut y retrouver des petits producteurs (un boulanger, un petit brasseur indépendant...) à la production à grande échelle (usine de productions, concentration d’entreprise, géant du secteur...). L’agroalimentaire est donc un secteur très vaste, en constante évolution, et dont la position à cheval entre primaire et secondaire rend le secteur particulier et lui impose des normes et des codes qui lui sont propres.

Les premiers pas de l’histoire de l’alimentation

Il est tout d’abord intéressant de souligner que l’agroalimentaire répond à l’un des besoins les plus primaires de l’homme : manger. Cela explique sa naissance précoce, mais également l’engouement technique et scientifique qui se constitue autour de ces problématiques, depuis la préhistoire à nos jours. Depuis l’antiquité, les hommes cultivent, mais préparent également la nourriture afin de manipuler son gout et de mieux la conserver. Cette notion de conservation apparaît avant même la naissance de l’agriculture, à l’époque des chasseurs-cueilleurs. Ainsi, en -30 000 avant Jésus-Christ, les hommes de Cro-Magnon font déjà sécher la viande afin de la conserver plus longtemps et de constituer des réserves : les produits de la chasse et de la pêche sont ainsi suspendus aux vents afin d’être séchés et d’empêcher les micro-organismes de s’y développer. En -10 000 avant Jésus-Christ apparaît l’agriculture, qui marquera un tournant décisif dans l’histoire de l’humanité. Elle marque la sédentarisation de l’homme, et s’accompagne d’un développement de l’artisanat, ce qui permet la création des premiers pots et récipients qui permettront le conditionnement des produits de l’agriculture, ainsi que la cuisine.
S’ensuivent de nombreux progrès et découvertes, qui sont autant de pas et d’inventions que l’on retrouve encore aujourd’hui dans l’industrie agroalimentaire moderne. La bière, par exemple, fait son apparition en - 7 000 avant Jésus-Christ : appelé « Sikaru », elle est née par hasard et se développe rapidement comme un produit de consommation quotidien. Malgré son grand âge, on la retrouve pourtant aujourd’hui encore en tête des actualités agroalimentaires. La conservation va aussi progresser peu à peu : les salaisons et les marinades font leurs apparitions en - 5 000 et permettent autant de modifier le goût des aliments que de conserver ceux-ci. Le vin se développe également, dans des régions comme l’Iran et l’Égypte. Ce sont d’ailleurs les Égyptiens qui apposeront pour la première fois une étiquette sur un produit, marquant ainsi les balbutiements du marketing agroalimentaire. Ces étiquettes sont apposées sur des amphores afin de connaître la qualité du vin, son lieu de production et la date de fermeture des jarres.
En termes de réglementation agroalimentaire, ce sont les Athéniens de la Grèce Antique qui, les premiers, procéderont à la création d’un organisme de contrôle des vins. Ce sont des hommes nommés les « oenoptes » qui vont procéder à des contrôles de qualité du vin. La création d’un tel corps de métier est principalement motivée par l’ajout de plâtre au vin, qui permet une meilleure conservation de celui-ci, mais s’avère également nocif pour la santé en trop grande quantité. En parallèle, l’homme découvre le rôle du froid dans la conservation alimentaire : en 333 avant Jésus-Christ, c’est le célèbre conquérant Alexandre le Grand qui fait creuser de profondes tranchées lors du siège de Pétra, où sont enfouis des pains de glace afin de garder différentes denrées au frais.
L’homme fait également des découvertes en terme gustatif, et apprend à modifier les goûts des aliments bruts à travers des techniques de plus en plus nombreuses : le fumage est une technique consistant à suspendre des aliments dans un « fumoir » où l’on fait brûler un petit feu fait de bois spéciaux et d’herbes aromatiques, afin d’imprégner les aliments d’une saveur particulière. Fromages et charcuteries fumées se popularisent ainsi au 1er Siècle chez les Romains : aujourd’hui encore, les produits fumés sont légion sur les étalages des supermarchés, dénotant ainsi l’amour des hommes pour cette saveur particulière. Aux mêmes moments, le marché agroalimentaire s’avère de plus en plus réglementé, avec notamment l’apparition d’un système d’étiquetage et de label sur l’huile d’olive romaine, destiné à empêcher les fraudes.

Moyen-âge et progrès techniques

Réglementations et découvertes continuent à marquer les premiers pas de l’industrie agroalimentaire au moyen-âge : les croisées découvrent ainsi les épices, qui permettront la création de nombreuses nouvelles recettes et qui apporteront autant de saveurs que de moyens de conservation. Le pain, la principale denrée alimentaire consommée de tous, est soumis à une réglementation de plus en plus importante : hors de question de vendre du pain rassis, brûlé ou dévoré par les nuisibles. La confiserie fait également son apparition dans la ville d’Apt, à la base technique de conservation, elle marque pourtant les premiers pas vers l’industrie de la sucrerie. Côté boissons, les innovations se poursuivent et permettent une conservation de plus en plus poussée et qualitative : en 1695, Dom Pérignon ferme pour la première fois ses bouteilles de champagne avec des bouchons en liège : une invention en apparence anodine que les vignerons et l’industrie agroalimentaire utilisent encore aujourd’hui.

Révolution industrielle et secteur agroalimentaire

Première découverte majeure effectuée lors de la révolution industrielle, l’invention de la conserve par Nicolas Appert marque un tournant clef dans la conservation des aliments. Encore utilisée de nos jours, la conserve est née de l’appertisation, qui consiste à placer des denrées alimentaires issues de l’agriculture dans des récipients hermétiquement clos, qui sont par la suite chauffés au bain-marie. Les températures élevées tuent alors les bactéries existantes, et l’absence d’air dans les conserves empêche le développement de nouvelles bactéries. Le scientifique recevra une prime de 12 000 francs de la part de l’armée française, sans se douter que son invention sera l’une des plus importantes de l’histoire de l’agroalimentaire, encore utilisée de nos jours.

La révolution industrielle s’accompagne de nombreux progrès notables en matière de transport. En 1811 apparaît ainsi la première locomotive à vapeur, qui lance le développement sans précédent du chemin de fer. Celui-ci permet l’apparition du commerce de gros, l’approvisionnement plus facile des villes et en général une amélioration des échanges et du commerce. Grâce à cet essor, la cuisine et la restauration se démocratisent également, et la notion de gastronomie moderne fait son apparition. Les restaurants fleurissent, et certains chefs cuisiniers se font même connaître à l’international : le premier d’entre eux à acquérir cette réputation sera Marie-Antoine Carême.
L’industrie agroalimentaire est quant à elle en effervescence : outre les conserves, de nombreuses innovations voient le jour, et répondent aux besoins d’une société de plus en plus demandeuse de nouveaux produits et de plus en plus soucieuse des problématiques liées à la santé. En matière d’hygiène et de conservation, la révolution industrielle permet ainsi de grandes avancées : le premier réfrigérateur est inventé par les frères Ferdinand et Edmond Carré : encore dangereux en raison de l’utilisation de gaz d’ammoniac, il reste en revanche réservé aux industries, qui pourront l’utiliser pour stocker leurs marchandises et ainsi transformer leurs méthodes de travail. La pasteurisation et les découvertes et théories de Pasteur sont également une révolution : le secteur devient plus prudent et plus hygiénique grâce à la mise en pratique de ses travaux : pasteurisation (chauffage à haute température), lavage des mains, des ustensiles... Aujourd’hui encore, la pasteurisation est un enjeu de taille dans l’actualité agroalimentaire. En parallèle, de nouvelles normes d’hygiènes sont mises en place en France, afin de mettre un terme à certaines pratiques frauduleuses et dangereuses pour la santé en matière d’alimentation : sel coupé au plâtre, produits laitiers frelatés, cacao mélangé à de la terre...
Les produits manufacturés se développent également à toute allure, et l’industrie agroalimentaire ne se contente plus seulement de confectionner des recettes à partir d’ingrédients issus de l’agriculture, mais transforme aussi la forme de ces aliments : en 1836 naît la première tablette de chocolat issue des fèves de cacao, puis en 1873, le principe de lyophilisation permet la création de soupe en poudre. En 1874, des chimistes allemands créent de la vanille synthétique, et donnent le coup d’envoi à la création des arômes synthétiques.
Cet engouement agroalimentaire est tel qu’en 1881, un ministère de l’agriculture, chargé de toutes les questions liées à l’alimentation est créé indépendamment du ministère du Commerce auquel il était jusqu’à la rattaché. Cette implication de l’état sur les questions de l’alimentation continue en 1905 : l’administration française devient responsable de la sécurité et de la qualité des aliments. Les fraudes alimentaires sont de plus en plus réprimées et le service de répression des fraudes est créé, de même que les appellations d’origine contrôlée, qui sont destinées en premier lieu à être apposées sur les vins.

L’agroalimentaire moderne : hygiène et conservation

À partir des années 1900, l’actualité agroalimentaire est centrée autour de la conservation des aliments, à l’intention d’un public ayant besoin de temps et souhaitant se défaire de plus en plus de la contrainte des courses et de la cuisine. Ainsi, en 1913, la machine à réfrigérer destinée aux foyers des particuliers apparaît aux États-Unis, et donnera un coup de départ à toute une vague de produit agroalimentaire frais. Le cellophane se développe également et permet un emballage alimentaire transparent et hygiénique. En 1929 la réfrigération va plus loin, avec l’apparition de la surgélation des aliments, inventée par Clarence Birdseye.

C’est en 1945 qu’un chiffre bouleversant viendra modifier en profondeur le secteur : le nombre d’ouvriers français dépasse officiellement celui des agriculteurs qui nécessitent de moins de mains d’œuvre grâce à leurs nouvelles machines. Les ouvriers représentent alors une nouvelle population citadine, ayant moins de temps et cherchant à se fournir des denrées faciles à conserver et à cuisiner : pour répondre à ce besoin, les premiers supermarchés voient le jour. L’un des premiers est celui de Édouard Leclerc, qui transforme sa petite épicerie en grande surface. Son succès donnera naissance à l’empire du géant agroalimentaire que nous connaissons aujourd’hui.
En 1953 naît le four à micro-onde, qui lui aussi donnera naissance à une flopée de nouveaux produits. Les emballages de ceux-ci connaissent d’ailleurs la mise en place de nouvelles normes, notamment la présence de la date limite de consommation et la dose journalière admissible, ainsi que de nouveaux labels de qualité comme le « Label rouge ».
À partir des années 70, les entreprises agroalimentaires se concentrent de plus en plus sur des problématiques d’hygiène et de conservation : apparaissent ainsi la conservation sous vide et la décontamination par lumière pulsée. La France voit aussi naître deux tendances en matière d’alimentations : la première est celle de la praticité et de la rapidité : les ménages sont de grand amateur de surgelé, et en consomme alors jusqu’à 10 kilos par ans et les premières offres de restaurations rapides voient le jour, avec notamment l’ouverture du premier Mac Donald de France à Strasbourg. En parallèle, certains prennent cette évolution à contrepied et s’inquiète pour leur santé : il recherche des produits élaborés dans des conditions plus saines et naturelles. En 1985 naît le label « AB » pour agriculture biologique, proposant une agriculture et une production respectant un cahier des charges très strict. La protection de l’environnement passe également par les emballages qui doivent désormais être recyclés pour éviter la pollution. Les normes d’hygiène se durcissent de plus en plus, et progressent grâce à des principes industriels comme la « marche en avant », qui optimise le circuit industriel des aliments afin d’améliorer leur hygiène. Les normes sont également harmonisées au niveau mondial. La crise sanitaire de la vache folle en 1996 va également être un moteur d’action : des organismes de surveillance se mettent en place, et l’état et les industriels se mobilisent pour lutter contre ces problèmes. C’est dans ce cadre que sont créés des organismes comme l’Office Alimentaire et Vétérinaires (OAV), l’Institut de Veilles sanitaires (INVS) et l’Agence française de Sécurité sanitaire des Aliments (AFFSA) qui veillent à minimiser les risques rencontrés par le consommateur.

Des années 2000 à nos jours : communication, transparence et développement durable

Les années 2000 sont l’occasion pour le secteur agroalimentaire de se pencher de plus en plus sur les questions d’hygiène, mais également sur les questions de traçabilité et de transparence, devenues primordiales en termes de santé et de plus en plus réclamées par les consommateurs. La « foodlaw » promulguée en 2002 va ainsi instaurer de grands principes de transparence, dont la traçabilité des produits. Des seuils microbiologiques maximums sont également fixés pour limiter toujours plus les risques sanitaires. Summum de ces mesures, le « Paquet Hygiène » est un ensemble de textes législatifs qui renforce la réglementation européenne, et aborde tous les maillons de la chaîne agroalimentaire, de l’agriculture à l’assiette en passant par la zone de production et de transformation. Aujourd’hui, la France se place en 2e position mondiale en matière de sécurité alimentaire selon un classement réalisé par le Global Food Security Index. Aujourd’hui, la grande histoire de ce secteur particulier continue et l’actualité agroalimentaire est constellée de nouvelles réformes dédiées à la transparence et à la qualité des aliments, nouveau centre névralgique du secteur. Le développement durable et le respect de l’environnement sont également plus que jamais au centre des débats industriels, les usines multiplient les mesures pour offrir des produits plus sains aux consommateurs. Le passage au digital semble également en passe de devenir l’un des défis qui attendent ce secteur, et avec elle une communication entre producteur, distributeur et consommateur qui se veut plus verticale.


Un parallèle entre l’actualité agroalimentaire son histoire : une illustration des besoins humains

Mais pourquoi s’intéresser à l’histoire de cette grande industrie alimentaire alors que nous souhaitons communiquer sur l’actualité agroalimentaire ? Tout simplement parce que comprendre l’histoire, c’est aussi mieux comprendre l’actualité, et ainsi être plus à même de la décrypter.
Il est ainsi intéressant de constater à quels points les objectifs de l’homme en matière de nourriture ont à la fois évolué tout en restant primaires. La conservation, le goût et l’hygiène ont toujours été des priorités humaines, qui se sont affinées et transformées avec le temps. L’étiquetage et la provenance des produits, qui apparaissent parfois comme une problématique très actuelle, liée à notre société de l’information où nous cherchons à tout connaitre, semble finalement loin d’être nouvelle, puisque l’on retrouvait déjà l’étiquetage des produits en Égypte antique. Nos préoccupations en termes de nourriture semblent donc être une constante, et expliquent en grande partie l’évolution du secteur agroalimentaire et de son actualité. La santé, élément découvert plus tardivement dans le temps, s’est logiquement implantée dans ce secteur avec lequel elle est intrinsèquement liée. De la même façon, les évolutions scientifiques et technologiques participent grandement à l’évolution du secteur et permettent sa transformation. Qui plus est, ce marché représente aujourd’hui une manne importante d’emplois, de professions, de formations de communication, d’enjeux et d’innovation, qu’il est important de décrypter aujourd’hui pour mieux comprendre le monde dans lequel nous mangeons.
Finalement, c’est peut-être pour cela que l’histoire de l’agroalimentaire est si importante : parce qu’elle est un reflet de l’évolution de notre société à travers les âges. Aujourd’hui encore, ce secteur reflète notre système, ses priorités, ses combats, ses angoisses, et suivre l’actualité agroalimentaire nous paraît ainsi plus important que jamais, tant ce milieu semble prégnant dans notre vie quotidienne.